FLOC'H, Underground, ou comment ressortir une vieille planche pour ne pas céder à la tentation d'en acheter une nouvelle...

Publié le par danielsansespace


Ces temps-ci, comme souvent, je m'interroge sur la pertinence d'un nouvel achat ou non, en particulier à l'occasion de nouvelles exposition consacrées à des auteurs dont j'ai déjà quelques pièces...

Je ressors alors ce que j'ai dans mes fardes, quand ce n'est pas une comparaison directe à ce que je vois tous les jours sur mes murs.

Tout récemment, il y avait l'exposition consacrée à JC Floch chez Bdartist(e).
J'ai donc passé quelques jours à m'interroger sur la pertinence de faire l'acquisition d'une planche du récent opus de Floc'h et Rivière, Black Out.

Une planche en particulier.


C'est une planche qui emprunte ss formes à une planche d'essai imaginée par Hergé et Jacobs réunis sous la signature "Olav" à la fin de la guerre, alors que Hergé se cherchait de nouveaux débouchés.



Cette planche a été remarquée et abondamment chroniquée. Par exemple ici:
http://blake-jacobs-et-mortimer.over-blog.com/article-34593561-6.html

Proposée sur le site de Bdartist, d'un généreux format de 45x60... pour tout dire j'hésite encore, et j'ai longtemps retardé la diffusion de ce billet, pour ne pas me porter la poisse au cas où j'arriverais à une décision d'achat.

J'ai lu la partie de l'album qui correspond à cette planche, mais ne suis pas plus convaincu que ça. Je me retrouve donc pendant plusieurs jours à peser le pour et le contre: la citation d'Hergé et Jacobs, qui n'est pas un plagiat ni un hommage mais une sorte de désenvoutement pour l'auteur JC Floch, et ma propre fascination pour Hergé et Jacobs. Et je ressors ma planche de Floc'h, dans les mêmes ambiances...

D'un format encore plus généreux, elle est carrément gigantesque, un mètre de haut. Ci-dessous, vous pouvez voir l'effet sur un mur, mais ça ne rend pas encore la taille réelle.

 
La voici déshabillée et sur un lit: elle occupe pratiquement toute la largeur, et les 2/3 de la hauteur: 


Ci-dessous, à côté de l'édition de Underground:

C'est ce format géant qui m'avait impressionné et décidé à en faire l'acquisition. J'avais été averti par un collectionneur Belge qui souhaitait s'en défaire, mais j'avais laissé passer l'occasion. Quelques mois plus tard, un autre collectionneur qui l'avait achetée la mettait en vente sur ebay, et c'est là que j'ai pu la récupérer.

Il s'agit d'une planche inédite de Underground, deuxième opus de la trilogie entamée avec Blitz et terminée aujourd'hui avec Black Out. Pour faire simple (simpliste?), ça raconte toujours à peu près la même chose, des angalsi qui se cachent pour se protéger des bombardement nazis. Chaque tome est le prétexte à une mise en abyme des moyens de raconter une histoire.

Floc'h avait entamé la réalisation de ce nouvel épisode dans un format inhabituellement grand.. géant même. Mais il s'est lassé au bout de quelque(s) page(s), et a repris l'album dans un format "normal" (quoiqu'il dessine habituellement sur assez grand format: 45x60 pour les dernières planches sorties, c'est le double d'un classique 30x40). Ici c'est quasi le double d'un grand format, soit encore plus grand en surface que l'équivalent de 4 planches 30x40...
Reste à savoir ce qu'il met dedans.

L'examen attentif du dessin de Floc'h est surprenant. Cette ligne claire, apparemment si fluide, est en fait pleine de repentirs et de corrections à la gouache blanche, et quelques collages.
Jusque donc à refaire carrément des planches de l'album...

Voici quelques visuels. La planche publiée et le décryptage des changements entre le premier original et ce qu'il a refait:
J'aime assez l'équilibre des noirs de cette planche, même si en digne héritière de la ligne claire, elle n'est pas réellement faite pour cela. Néanmoins, soutanes, redingote, chemisier et chevelure répartissent assez bien les noirs sur la planche.

La planche est passée de 7 à 6 cases dans sa version finale, en rétrécissant la 3ème case et fusionnant les 4 et 5èmes.

Je me suis amusé à observer les changements de décors, disposition des accessoires, mise en scène et il est étonnant de voir que certaines attitudes, morceaux de décors, etc, sont vraiment repris tels quels. J'en suis venu à me demander si la version finale remontée pour l'album ne reposait pas finalement en partie sur des photocopies de cette version. Mais l'examen attentif semble me conduire à la conclusion que Floc'h a tout réencré, peut-être à la table lumineuse, et dans une version réduite, car de subtils changements existent.


Cette première case donne une nouvelle dimension de la différence de taille entre "l'original" et la case publiée. Je mets "original" entre guillemets car ce n'est pas tout-à-fait la même case.
Floc'h a changé l'aspect du petit garçon: ses cheveux se sont éclaircis.
Mais voyons de plus près.
Ici la base de la tablette a été redessinée:


C'est tout con, mais, oui, je regarde les pieds de table aussi sur une planche. Après tout, Floc'h les a dessinés deux fois et stylisés de façon différente. Ce genre de constat ne laisse pas de m'étonner.

Ci-dessous, le gamin a changé, on l'a dit, par contre l'attitude du prêtre, sa main droite sont très similaires.


Ci dessous Floc'h conserve la tête du prêtre mais on voit à quelques détails que c'est ré-encré:

et



Le brave Jeffries est similaire à quelques rides près. Le lettrage a été refait aussi.
et


Petite retouche pour madame, qui est un peu moins pincée dans la version finale, mais encore une fois tellement proche dans le traitement. Noter encore ici toutes les petites retouches à la gouache, c'est vraiment au millimètre que Floc'h cherche à être précis dans son trait, même sur un énorme format d'un mètre de haut. L'équilibre de son trait est à ce prix. Hergé aussi (et bien d'autres représentants de la ligne claire) était à ce point méticuleux.
et


Le petit garçon change de forme, mais l'emplacement, les petite briquettes sont exactemenr réparties de la même façon dans les deux versions.

 

et


Dans la suivante, Floc'h resserre le champ autour du visage du prêtre, tout en conservant la mimique et le trait.
et


Encore une avec le départ du "larbin": une grande similitude dans le traitement et d'infimes différences.
et



La grande case de la fin a été élargie sur la version finale.

Le prêtre garde son attitude et s'est décallé sur la gauche. L'encrage est un poil moins fin sur la version publiée, pour les mains du prêtre, format d'exécution oblige.

La vieille dame serre toujours le portrait de son défunt mari contre elle. Notez toujours les gouaches, pour reprendre le tracé des courbes du fauteuil, mais aussi préciser le contour du cadre. La version finale est très proche, encore une fois.

Et les deux jeune gens qui vont si bien ensemble et qui font si chic. Quelques retouches, une ruistine et même des retouches par dessus la rustine...
Je vous laisse jouer au jeu des 7 erreurs une dernière fois.


Et une dernière image du travail d'orfèvre de Floc'h...



Bon.. A priori, en ressortant cette planche, j'ai réussi à passer quelques jours sans céder à la tentation d'acheter l'autre. Mais je sais que ce n'est qu'une période de rémission...

(A retrouver aussi sur la galerie CAF)

Publié dans Originaux MODERNES

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